d et t

Les lettres d et t notent en alsacien une seule et même consonne : il n'y a pas de différence entre ce qu'on peut écrire T à l'initiale de Tisch "table" et ce qu'on écrit D à l'initiale de Düme "pouce".
La consonne en question est douce comme le [d] du français ou de l'allemand standard, mais en même temps sourde comme le [t] de ces langues. Nous le noterons ici [d] dans les transcriptions phonétiques (on pourrait envisager de mettre un signe diacritique pour indiquer qu'il s'agit d'un [d] sourd).
La conséquence de cette confusion est qu'on ne distingue pas en alsacien les prononciations de der drítt "le troisième" et de der Trítt "le coup de pied". Il est par ailleurs courant qu'on voie écrit avec un d des mots comme le verbe tue(n) "tun", "faire", et on ne se souvient guère que e Dolle "un imbécile" est la forme dialectale de ein Toller "un fou".
Il y a des mots récemment empruntés (à l'allemand ou au français) qui conservent le [t] dur du mot d'origine ; ainsi d'un mot comme Tee "tisane" ou "thé". Mais nous ne tiendrons pas compte ici de ces cas particuliers.
Par ailleurs, l'articulation [t] apparait aussi en alsacien dans des mots où l'on a en fait une suite [dh], comme dans le mot dhaim "à la maison".

Il ne faut pas croire que ce [d] sourd soit une exclusivité de l'alsacien ; non seulement on le trouve dans bien d'autres langues, mais parmi les dialectes allemands, la plupart de ceux du Sud présentent la même particularité, et je me souviens de vieilles personnes qui reprochaient au ministre allemand Ludwig Erhard (1897-1977) de prononcer Boledik pour Politik.