Ce dictionnaire est la référence qui fait autorité en matière de prononciation française - du moins tant qu'il est question de mots réellement français. Pour les mots étrangers, on conçoit qu'il soit difficile même pour le meilleur des linguistes de fixer un "usage" lorsque les mots considérés ne se rencontrent pas quotidiennement dans la bouche des personnes qui s'expriment en public. Autant il est facile de dire quelle est la prononciation dominante d'un nom comme New-York, autant toute décision est risquée lorsqu'il s'agit de dire comment prononcer le nom de Rüstringen (d'autant que cette ville ne s'appelle plus ainsi, puisqu'elle est, depuis 1937, un quartier de Wilhemshaven...) ou Hampshire : demander à des locuteurs supposés compétents ? mais comment s'assurer de leur compétence sur le point particulier sur lequel on veut les interroger ? consulter les dictionnaires de prononciation des langues étrangères concernées ? certes, ils peuvent rendre service, mais il ne faut pas oublier que ce qu'on veut indiquer, c'est comment le mot peut se prononcer dans le contexte d'un discours français.
Je ne sais pas comment Léon Warnant a procédé ; toujours est-il qu'à propos de noms étrangers, on trouve un certain nombre d'erreurs dans son dictionnaire. Exemples dans des langues dont je ne veux pas m'occuper spécialement et dans lesquelles, du reste, je n'ai pas une compétence particulière :
- En espagnol, le mot Hermandad est noté avec deux prononciations : [rmandad], qualifié de "soutenu", et [
rm
da], considéré comme "courant". Or il n'y a pas, en fait, de raison de considérer que la prononciation "soutenue" demande le maintien du -d final, qui en espagnol ne se prononce généralement pas.
- En anglais, la ville australienne de Geelong est indiquée avec une prononciation de [gil], alors que le g- initial se prononce [d
] dans ce nom. Ce que Warnant pouvait ignorer - parce beaucoup d'anglophones authentiques l'ignorent surement - c'est que ce nom se prononce usuellement [d
'l
] sur place.
En ce qui concerne l'allemand, il faut faire la différence entre les erreurs qui concernent des noms allemands (noms de personnes ou toponymes d'Allemagne, de Suisse ou d'Autriche) et le traitement particulier des noms alsaciens.
Noms allemands
Dans le cas de noms allemands, c'est réellement d'erreurs qu'il s'agit, et on en trouve un bon nombre ; on ne cherchera pas à être complet ici ; ce n'est pas le but de ce document. Voici simplement quelques exemples caractéristiques :
- Hofmannsthal est le nom d'un auteur littéraire à cheval entre le 19e et le 20e siècle. Warnant indique comme prononciation "soutenue" [f-man-
tal] (comme s'il y avait Stall "étable", à la fin de ce nom), et comme prononciation "courante" la même avec [-stal] à la fin. Or n'importe quel bon germaniste pourra confirmer que la prononciation indiquée comme "soutenue" est incorrecte, et que la seule admissible est la deuxième.
- Bielefeld est indiqué avec une prononciation [bi-l-f
ld] (donc avec deux fois la même voyelle neutre [
]) ; là aussi, on pourra s'assurer sans peine que seule la prononciation [bi-l
-f
ld] est acceptable (en allemand, le [d] final est d'ailleurs prononcé [t]).
Sur ces deux noms, la consultation d'un dictionnaire de prononciation de l'allemand aurait permis d'éviter les erreurs ; le cas d'Arenenberg est plus délicat, car ce nom ne figure pas dans les dictionnaires de prononciation de l'allemand... Pourquoi alors figure-t-il dans celui du français ? Elémentaire : c'est le nom d'un château au bord du lac de Constance dans lequel le futur Napoléon III passa une bonne partie de son enfance. Cela intéresse plus les Français que les Allemands ou les Suisses. Warnant indique comme prononciation "soutenue" [a--n
n-b
g], et comme prononciation "courante" la même, simplement avec une avant-dernière syllabe [n
n]. Ici j'ai dû consulter une personne du cru pour me faire confirmer ce dont je me doutais, à savoir que l'accent étant sur la deuxième syllabe, le premier e est prononcé [e], donc
[a-
e-n
n-b
g].
Noms alsaciens
En ce qui concerne les noms alsaciens, on ne peut pas reprocher à Warnant d'avoir commis des erreurs, mais d'avoir trop fait confiance à des locuteurs qui, dans les années 1960, se fondaient sur un usage alors dominant dans les médias ; dans l'intervalle, il n'a jamais cru nécessaire de revenir sur ce chapitre, alors que l'usage, y compris celui des médias, a sensiblement évolué depuis.Malgré des "erreurs" souvent systématiques, et en fait idéologiques, la doctrine de Warnant n'évite donc pas les incohérences. On s'abstiendra de le consulter pour les toponymes alsaciens.
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