Remarques sur le traitement de u/ü

Dans la liste de noms propres contenant un u, on n'a évidemment pas inclus les noms de forme vraiment française comme Ranrupt, Sarre-Union ou Lucelle, qui ne posent pas de problème dans un contexte français.

On a aussi laissé de côté les noms dans lesquels la présence de la graphie ou rend la prononciation évidente, comme Rouffach = Rufach, Soultz = Sulz, Soufflenheim = Sufflenheim etc.

Principe général : Lorsque le nom allemand comporte un ü, on prononce [y] ; dans les autres cas, c'est en principe plutôt [u], mais avec les nuances suivantes.

Les principes A1 et A2 indiquent qu'on peut accepter la prononciation en [y] dans des noms ne portant pas le tréma lorsque la prononciation alsacienne est en [y] (principe A1), ou même lorsqu'elle est en [y]/[ø]/[ø] (selon les variantes du dialecte, principe A2). Le principe A1 est souvent appliqué aux patronymes tels que Lutz, Husser, Hug, Sutter. Il faut pourtant souligner que personne ne serait fondé à contester une prononciation en [u].

Principe A1 : La prononciation en [y] est admissible dans les noms dans lesquels la voyelle correspondante est [y] dans la forme alsacienne, par exemple Grussenheim (en alsacien : [grys]), Lutterbach ['lydrbx], Urschenheim [y:r] etc.

Principe A2 : La prononciation en [y] peut être acceptée aussi (mais avec plus de réticences) dans les noms dont la forme alsacienne a, selon les variétés du dialecte, une voyelle [ø:] ou une diphtongue [y] ou [ø], comme dans Rumersheim [rømr], Uttenheim ['ytn] etc.
Il arrive que cette même prononciation alsacienne se rencontre dans des noms dont la forme allemande est elle aussi en ü, p. ex. Künheim [kyn], Rüstenhart ['ryth:rt].
Les noms de lieux dans lesquels, contrairement à l'habitude, la graphie ue a été laissée ou mise sont généralement des noms où la prononciation dialectale est diphtonguée en [y], et où le choix de la graphie peut être interprété comme marquant le souhait de voir le nom prononcé avec [y].

Principe A3, résiduel : dans tous les autres cas, la prononciation [u] devrait être préférée lorsque la forme allemande n'a pas de tréma (sauf cas particuliers mentionnés par ailleurs). Il s'agit presque toujours de noms dans lesquels la voyelle correspondante est en alsacien un [u] assez proche de celui de l'allemand, simplement un peu plus ouvert. C'est le cas dans des noms comme Uffholtz, Kutzenhausen, Illfurt etc.


Cas particulier du groupe un ou um en finale ou devant une consonne.

Il s'agit de noms comme Sundgau, Mundolsheim, Muntzenheim, Hunspach, Gundershoffen, Gumbrechtshoffen etc. On prononce [un] ("oune" comme dans scoumoune ou guitoune), en application de la règle qui vient d'être donnée. Il faut évidemment mettre à part les noms Günsbach, Vogelgrün, Künheim et Münchhouse/Münchhausen. Dans ces cinq noms, c'est [yn] (comme dans une demi-lune) qui s'impose, et qui est "d'origine". Partout ailleurs, c'est [un]. On ne peut en effet avoir logiquement le choix qu'entre les deux prononciations suivantes :


On entend parfois le nom Sundgau prononcé [syndgo]. Sans vouloir donner l'impression d'agresser quiconque, je considère cette prononciation comme une sorte de monstre linguistique. On ne pourrait même pas s'appuyer, pour la défendre, sur la prononciation alsacienne, qui sur ce point est à peu près identique à la prononciation allemande. Il en serait de même, évidemment, si l'on s'avisait de prononcer en [yn] les noms de Gundolsheim, Duntzenheim, Stundwiller, Munwiller etc. Pour Sundgau et Mundolsheim, c'est la transcription de Warnant ; mais on sait que Warnant n'est pas à utiliser pour les noms alsaciens.

Le seul cas où la prononciation en [yn] est excusable et explicable - mais non défendable - est celui de Sundhouse, où le locuteur peut avoir l'impression de devoir marquer la différence entre ce qu'il trouve écrit u et ce qui est écrit ou. Mais on trouve là le même radical Sund- que dans Sundhoffen et Sundgau ; ce radical signifie "sud" (Voyez -au/-gau)). Le radical Sünd-, qui existe, mais signifie "péché", n'a guère de chances de se rencontrer dans la toponymie. La curiosité est ici que la prononciation dialectale [sunthy:s] a précisément [y] là où le français écrit ou (dans house=[hy:s]), et [u] dans la syllabe écrite en u.

R1 Dans les séquences uch qui apparaissent dans Truchtersheim, Weitbruch, Grendelbruch, on peut défendre deux prononciations :

- la plus fidèle à la forme originale est en [ux]. Le signe [x] note ce qu'on appelle "ach-Laut" en allemand ; c'est la première consonne de Achenheim. Cette consonne est de mieux en mieux intégrée par les présentateurs des médias locaux, par exemple dans Hochfelden ou Kochersberg. Je préfère personnellement cette prononciation.

- si l'on a trop de mal à utiliser cette prononciation, on peut se rabattre sur une prononciation en [y] (comme huche) ; cette deuxième prononciation a l'avantage pour les francophones de ne pas exiger d'effort particulier, puisque les deux sons existent en français aussi ; elle peut se justifier aussi par le fait que les formes alsaciennes de Weitbruch et Grendelbruch ont une dernière syllabe de type [bryx], ce qui fait entrer ces noms dans le cadre de la règle A2. Cette dernière justification ne s'applique pas au nom de Truchtersheim, puisque la forme dialectale du nom est [dry:dr] = "Trudersheim". Mais ici le principe A1 pourrait s'appliquer.

R2 Munster : la prononciation [mst] s'est imposée. La forme originale était Münster, et c'est cette forme que l'état-civil de la localité utilisait encore jusqu'en 1870 (dans des actes rédigés en français : "Geoffroy Husser, né à Münster le..."). Les composés Ebersmünster et Reinhardsmünster s'écrivent encore occasionnellement avec ü, et je recommande pour ces deux noms la prononciation [mynstr] (allemande) ; de toute façon, Reinhardsmünster en particulier aurait du mal à se faire passer pour un nom de langue française. Dans le cas de Masevaux = Masmünster et Marmoutier = Maursmünster, l'adoption d'une forme vraiment française (ancienne et populaire dans ces cas, et non "fabriquée" comme dans le cas de Sélestat) a évité d'avoir à se poser la question.

R3 Hüsseren est un cas très spécial. Derrière St Amarin (68) se trouve Husseren Wesserling, un petit village dont le nom allemand est Hüssern ; près d'Eguisheim (68) se trouve Husseren-les-Châteaux, dont le nom allemand est Häusern ; l'un et l'autre, en alsacien, se prononcent [hi:s()r]. Pour le deuxième, on fera le rapprochement avec Illhaeusern le "Häusern sur l'Ill". La prononciation française des deux Husseren est évidemment en [y].

R4 Le cas de Bruebach et des quelques autres noms écrits avec ue est particulier. Dans le cas de Bruebach, la forme allemande est Brubach. Mais le choix qui a été fait de la graphie française Bruebach, sans doute sur la base de la prononciation dialectale ['brybi] semble indiquer que la municipalité souhaitait que le nom soit prononcé avec [y]. Dans le Sundgau, un certain nombre d'autres villages ont adopté une forme orthographiée ue, qui représente soit un ü, soit un u dans la forme allemande ; on peut penser que comme dans le cas de Bruebach, cette graphie recommande partout la prononciation [y] ; du reste c'est le plus souvent la graphie ü qui y correspond dans la forme allemande.

R5 Buswiller, alsacien ['bøsvilr], pourrait être écrit Busweiler en allemand, mais se trouve en fait sous la forme Büsweiler ; en français, on trouve successivement Bueswiller et Buswiller (depuis le 25.8.1961). Pron. [bys-].

R6 Pfulgriesheim. A partir de la forme alsacienne [fil'gris], on s'attendrait à [y] : Pfül- ; mais la forme allemande est en Pful­, et la forme alsacienne en [i] est sans doute liée à la variété dialectale propre à l'endroit. On entend les deux prononciations ; le plus souvent on opte pour [pfulgis(h)aim] lorsqu'on prononce le nom en entier, et pour [pfyl] lorsqu'on l'abrège à sa première syllabe. Cela traduit le fait que les purs francophones préfèrent s'arrêter à la première syllabe, alors que les dialectophones n'ont pas peur du nom entier.

R7 Russ est en fait à prononcer [ys] ; malgré la forme graphique allemande, il s'agit d'une localité en territoire à peu près entièrement francophone.

R8 Surbourg est à prononcer [sybu]. La forme allemande Surburg est illogique, puisque le village est nommé d'après la rivière Sauer (alsacien [sy:bx] = Sauerbach), ce qui aurait fait attendre *Sauerburg.

R9 Saint-Ulrich : comme le prénom est régulièrement prononcé [ylik] en français, c'est cette même prononciation qui parait normale dans le toponyme.

R10 Le nom de Brumath est, parait-il, d'origine celtique. La pornonciation [bymat] est largement dominante, mais [bumat] se rencontre, et serait au fond plus correct.

R11 La forme allemande de Mulhouse est Mülhausen [myl'hauzn], accentué sur la deuxième syllabe, et le nom alsacien correspondant est Milhüse [mil'(h)y:s], également accentué sur la deuxième syllabe ; le village de Mülhausen (anciennement Mühlhausen) près d'Ingwiller se prononce (en alsacien) accentué sur la première syllabe : ['milhy:s].

R12 Le contraste entre Goetzenbrück d'un côté, Oberbruck et Niederbruck de l'autre n'est pas une erreur. Il existe deux formes allemandes concurrentes du mot signifiant "pont", l'une du type Bruck (aujourd'hui dialectal en tant que nom commun), l'autre du type Brücke. La première se trouve surtout au Sud, par exemple dans le nom d'Innsbruck (prononcé avec [u] en allemand). La seconde est répandue plus au Nord, par exemple dans Saarbrücken. Le nom de Goetzenbrück est longtemps resté écrit avec le tréma dans la signalisation publique.

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